NOTA BENE #31 \ CONVENTION DE FORFAIT EN JOURS INOPPOSABLE : LE BEURRE, MAIS PAS L’ARGENT DU BEURRE…
LA COUR DE CASSATION PRÉCISE POUR LA PREMIÈRE FOIS QUE LORSQU’UNE CONVENTION DE FORFAIT EN JOURS EST PRIVÉE D’EFFET, LE SALARIÉ PEUT, CERTES, SOLLICITER LE PAIEMENT D’HEURES SUPPLÉMENTAIRES, MAIS DOIT EN CONTREPARTIE RESTITUER LES JOURS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL* (JRTT) DONT IL A PU BÉNÉFICIER.
Le contexte
Un salarié, responsable recherche et développement, bénéficiait du statut cadre et était soumis contractuellement au régime du forfait annuel en jours. Le recours à ce mode d’aménagement du temps de travail était autorisé par la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie applicable à la relation de travail.
Lors de la contestation de son licenciement en 2014, il sollicitait notamment un rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées, arguant de l’inobservation par l’employeur des règles applicables en matière de forfait jours.
Rappelons qu’à cette période, la Cour de cassation avait invalidé nombre de conventions collectives de branche en matière de forfaits jours (notamment Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107 ; Cass. soc. 31 janvier 2012 n° 10-19.807).
Tel ne fut cependant pas le sort de la convention collective applicable au litige.
Mais encore fallait-il, pour qu’elle soit opposable au salarié, que l’employeur respecte scrupuleusement les dispositions qu’elle contenait, destinées à garantir une charge de travail raisonnable, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Le forfait en jours du salarié était donc privé d’effet.
Un litige portait également sur les conséquences devant découler de l’inopposabilité du forfait jours, notamment sur le point de savoir si le salarié pouvait conserver les jours de repos dont il avait bénéficié.
La solution
La Cour de cassation confirme que lorsque la convention de forfait en jours est privée d’effet, ce sont les règles de droit commun de la durée du travail qui s’appliquent.
Il faut en tirer toutes les conséquences de droit qui s’imposent :
- le salarié peut solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées, c’est-à-dire les heures excédant 35 heures hebdomadaire, le tout dans les limites de la prescription triennale ;
- mais il doit en contrepartie restituer les sommes correspondant au paiement des JRTT accordés, en application du principe civiliste de répétition de l’indu (C. civ. art. 1376 anc.).
Cette solution est parfaitement logique et bienvenue.
En effet, les jours de repos étant la contrepartie de la forfaitisation, ils constituent un avantage indissociable de l’application du forfait.
En cas d’inopposabilité du forfait, ces jours de repos deviennent sans objet et le salarié en a indûment bénéficié.
Les conséquences pratiques
Cette solution fait écho aux arrêts rendus en matière de forfait en heures prévu par la convention collective SYNTEC jugé inopposable et pour lesquels la Cour de cassation avait, dès lors, considéré indu le paiement de jours de réduction du temps de travail (modalité 2, cf. accord du 22 juin 1999 ; Cass. soc. 13 mars 2019 n° 18-12.926, n° 18-12.931, n° 18-12.952).
C’est à notre connaissance la première fois qu’elle l’affirme clairement dans cet arrêt publié du 6 janvier 2021 s’agissant d’une convention de forfait en jours.
De quoi dissuader dans certains cas le salarié de solliciter l’inopposabilité de sa convention de forfait en jours, ce dernier devant dans un premier temps déterminer si le nombre d’heures supplémentaires accomplies permettrait de « couvrir » les sommes dues en contrepartie du paiement des jours de réduction du temps de travail.
En tout état de cause, ce mécanisme limitera le quantum des condamnations sur ce fondement par le jeu de la compensation.
*Notion retenue par la Cour de cassation dans cette décision. S’agissant de convention de forfait en jours, il est ici fait référence aux jours de repos.
Dès lors, ces deux notions seront utilisées comme synonymes dans le présent commentaire.