NOTA BENE #37 \ MODULATION DU TEMPS DE TRAVAIL : ATTENTION AU RISQUE D’INOPPOSABILITÉ AUX SALARIÉS…
Dans un arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de Cassation tranche la question de l’incidence de l’absence d’application effective par l’employeur des dispositions d’un accord collectif relatives aux modalités concrètes d’établissement du programme indicatif de variation des horaires.
Cet arrêt est susceptible de concerner les entreprises qui appliquent encore à ce jour d’anciens accords collectifs dits de « modulation », conclus avant l’instauration d’un régime unique d’annualisation du temps de travail par la loi du n° 2008-789 du 20 août 2008.
Dans sa version en vigueur avant la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’article L.3122-11 du code du travail énonçait les clauses obligatoires des accords de modulation, au titre desquelles figurait la fixation du «programme indicatif de la répartition de la durée du travail ». L’article L.3122-12 précisait que l’accord devait prévoir « les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés ». En application de ces dispositions, les accords de branche ou d’entreprise instaurant un dispositif de modulation décrivent en principe les modalités concrètes d’établissement et de communication de la programmation indicative.
La Cour de Cassation estime qu’en présence d’un accord qui prévoit qu’une « programmation indicative des variations d’horaires collective est communiquée aux salariés avant le début de la période sur laquelle est calculé l’horaire et après consultation du comité d’entreprise », l’absence d’établissement récurrent d’un tel programme, dont les salariés doivent être informés, a pour effet de leur rendre l’accord de modulation inopposable.
Selon la Cour, les juges du fond doivent donc rechercher si, au-delà de l’existence d’un programme indicatif de modulation soumis au comité d’entreprise (au moment de la première mise en place de la modulation), une programmation indicative est établie pour chaque période annuelle et a été communiquée aux salariés concernés.
Ainsi, même en présence d’un accord collectif parfaitement valide comportant l’ensemble des clauses obligatoires, ce dernier peut être déclaré inopposable aux salariés en cas de non-application effective par l’employeur de ses dispositions. Cette position est similaire à celle désormais constante de la Cour de Cassation en matière de forfait en jours qui « prive d’effet » les conventions individuelles de forfait en cas de défaillance de l’employeur dans le cadre de l’exécution de l’accord collectif qui en autorise la mise en place.
L’enjeu est majeur : l’inopposabilité de la modulation du temps de travail aux salariés expose l’employeur à des rappels de salaires fondés sur un calcul des heures supplémentaires à la semaine, voire au délit de travail dissimulé… Il est donc urgent de vérifier si les stipulations des conventions et accords collectifs de modulation sont en pratique strictement appliquées.
L’obligation d’intégrer dans les accords d’annualisation du temps de travail une clause relative à la programmation indicative ne s’applique plus depuis la loi du 8 août 2016. Toutefois, si les partenaires sociaux ont fait le choix de prévoir des dispositions en la matière, il faut alors également veiller à leur application effective. Plus généralement, on peut craindre que la position prise par la Cour de Cassation soit transposable à toute hypothèse de non-respect des stipulations conventionnelles.
(Cass. Soc. 13 novembre 2021, n° 20-12.730)