NOTA BENE #20 \ PAS HARCELÉ MAIS… INDEMNISÉ !
L’EMPLOYEUR QUI NE PREND PAS IMMÉDIATEMENT TOUTES LES MESURES UTILES EN RÉPONSE A UNE PLAINTE D’UN SALARIE DÉNONÇANT UN HARCÈLEMENT MORAL PEUT ÊTRE CONDAMNE A INDEMNISER LE SALARIE AU TITRE DE LA VIOLATION DE SON OBLIGATION DE SÉCURITÉ, MÊME EN L’ABSENCE DE HARCÈLEMENT
En matière de harcèlement moral, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires afin d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (article L. 4121-1 du code du travail). Il met en œuvre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (articles L.1152-4 et L. 4121-2 du même code).
Depuis un arrêt du 1er juin 2016 (n°14-19702), la Cour de cassation estime que l’employeur remplit son obligation de protection de la santé des salariés, notamment en matière de harcèlement moral, s’il justifie :
\ avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
\ et avoir pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.
Ainsi, lorsque l’employeur est avisé de faits supposés de harcèlement moral, il doit prendre les mesures appropriées, notamment en diligentant une enquête interne pour ne pas voir sa responsabilité engagée au titre d’un manquement à son obligation de sécurité.
Ceci étant, la responsabilité de l’employeur peut-elle être engagée lorsque les faits de harcèlement moral ne sont finalement pas établis ? Telle était la question soumise à la Cour de cassation.
En l’espèce, une salariée, en arrêt de travail pour maladie, a écrit à son employeur le 12 décembre 2011 en se plaignant du harcèlement moral qu’elle subissait de la part de sa supérieure hiérarchique. Licenciée le 31 janvier 2012 pour insuffisance professionnelle, elle saisit le 2 aout 2013 le Conseil de Prud’hommes pour faire juger nul son licenciement prononcé consécutivement à sa dénonciation d’un harcèlement. Elle sollicite également diverses sommes notamment pour violation de l’obligation de sécurité en faisant valoir que l’employeur n’aurait organisé aucune enquête à la suite de son courrier.
La Cour d’appel fait droit à la demande d’indemnisation de la salariée au titre de la nullité de son licenciement mais la déboute de sa demande au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité dans la mesure où aucun agissement de harcèlement n’était établi.
A tort selon la Cour de cassation qui rappelle que l’obligation de prévention des risques professionnels incombant à l’employeur, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral.
Autrement dit, en cas de violation de l’une ou l’autre de ces obligations, l’employeur peut potentiellement être condamné à verser au salarié deux réparations distinctes : l’une afférente au harcèlement lui-même, et l’autre pour manquement à son obligation de sécurité, que les faits de harcèlement soient constitués ou non.
L’employeur ne peut donc se dispenser de réagir, notamment en menant une enquête sur les faits de harcèlement moral qui ont été portés à sa connaissance.
A défaut, son inertie serait constitutive d’une faute qui engagerait sa responsabilité, indépendamment de l’existence de faits de harcèlement moral.