NOTA BENE #26 \ POINT DE DÉPART DE LA PRESCRIPTION DE L’ACTION EN REQUALIFICATION DU CDD : DATE DE CONCLUSION DU CDD OU TERME DU CDD ?
LE DÉLAI DE PRESCRIPTION DE 2 ANS D’UNE ACTION EN REQUALIFICATION D’UN CDD EN CONTRAT A DURÉE INDÉTERMINÉE, FONDÉE SUR LE MOTIF DU CONTRAT, COURT À COMPTER DU TERME DU CDD.
La haute juridiction avait précisé dès le 3 mai 2018 que l’action en requalification du CDD en CDI, fondée sur l’absence d’une mention obligatoire du CDD, se prescrit à compter de la conclusion du contrat de travail (Cass.soc. 3 mai 2018, n°16-26437).
La lecture de cette décision laissait présager l’existence d’un autre point de départ du délai de prescription dans le cas où l’action en requalification est fondée sur une irrégularité autre que l’absence d’une mention obligatoire.
Ce 29 janvier 2020, la Cour de cassation est venue confirmer l’existence de plusieurs points de départ à l’action en requalification du contrat à durée déterminée selon le motif de la requalification (Cass.soc. 29 janvier 2020, n°18-15359).
Ainsi, en synthèse :
\ en l’absence d’une mention obligatoire du CDD, le point de départ du délai de prescription de 2 ans pour agir en requalification est la date de conclusion du contrat de travail,
\ le point de départ de ce délai est le terme du CDD, voire du dernier CDD en cas de succession de contrats, lorsque l’action en requalification repose sur un défaut de motif de recours au contrat à durée déterminée.
Dans cette affaire, par saisine du conseil de prud’hommes du 7 juillet 2014, un salarié sollicitait la requalification des contrats à durée déterminée conclus du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013 considérant avoir été engagé pour occuper un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise. Le salarié remettait donc en cause l’existence même du motif de recours aux contrats à durée déterminée successivement conclus. La cour d’appel, appliquant le délai de prescription de 2 ans à compter de la date de conclusion des contrats, déboutait le salarié de sa demande pour tous les contrats conclus avant le 6 juillet 2012. À tort pour la Cour de cassation.
Si la haute Juridiction retient bien le délai de prescription de deux ans applicable aux actions portant sur l’exécution du contrat de travail, elle considère que le point de départ de ce délai, pour une action en requalification fondée sur le motif de recours du CDD, est le terme du CDD, et en cas de succession de CDD, le terme du dernier CDD. Elle précise en outre que le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de la conclusion du CDD irrégulier, et peut donc, si l’action en requalification est fondée, se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier conclu.
Les solutions dégagées par la Cour de cassation quant au point de départ du délai de prescription pour agir en requalification d’un CDD en CDI conduisent donc, du point de vue du risque contentieux, à exposer différemment l’employeur, selon que l’action est fondée sur une irrégularité de forme ou un vice de fond tenant à l’absence de motif légitime de recours au CDD.
En toute hypothèse, ces décisions successives peuvent conduire le praticien à s’interroger sur l’opportunité d’aménager, dans le CDD, la durée du délai de prescription de l’action en requalification du contrat, notamment en la réduisant à un an, comme le permet l’article 2254 du code civil.