\ PORT DU FOULARD ISLAMIQUE AU TRAVAIL
LE DROIT DE L’UNION EUROPEENNE MIS AU SERVICE D’UNE PROFONDE MUTATION CULTURELLE
L’employeur peut prévoir dans son règlement intérieur une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
« Ubi societas, ibi jus » dit l’adage.
À la consubstantialité du fait social et de l’organisation juridique s’ajoute le constat du grand kaléidoscope mondial : des sociétés différentes engendrent des droits différents. La montée en puissance en France d’un islam susceptible de se concevoir comme « religion, société et État » renouvelle les termes de la question.
Par un arrêt promis à une publicité maximale, la chambre sociale de la Cour de cassation a appliqué le 22 novembre dernier les solutions rendues par la CJUE le 14 mars 2017 sur question préjudicielle. La question posée au juge de l’Union européenne était de savoir si l’interdiction de porter un voile islamique découlant d’une règle interne édictée a priori (affaire G4S Secure Solutions) ou d’un ordre ex post (affaire Micropole Univers) était susceptible de constituer une discrimination directe ou indirecte à raison de la religion au sens de la directive 2000/78/CE. Conformément au principe de primauté du droit communautaire, les solutions rendues à Luxembourg sont ici coulées dans le moule de nos textes nationaux (C. trav., art. L.1121-1, L. 1132-1 et L. 1321-1).
Il en résulte que l’interdiction de porter un signe religieux (en l’occurrence un foulard islamique porté par une consultante en mission chez un client) ne peut être valablement mise en œuvre que dans les conditions suivantes. Premièrement, la règle doit être édictée par le règlement intérieur ou une note de service s’inscrivant dans son champ. Deuxièmement, la règle doit proscrire « le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail ». Troisièmement, cette clause doit n’être appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients. Quatrièmement, l’employeur doit envisager la possibilité de proposer un autre poste au salarié qui refuserait de respecter l’interdiction plutôt que de procéder à son licenciement. Certaines de ces conditions ont une portée culturelle remarquable.
Arrêt n°2484 du 22 novembre 2017 (13-19.855) de la Chambre sociale de la Cour de cassation
Note explicative relative à l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, n°2484 (13-19.855) du 22 novembre 2017: https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_37989.html
L’intégralité de ce texte a paru dans le n°302 du mensuel Les Cahiers Sociaux de décembre 2017: www.kiosque-lextenso.fr/catalog/les-cahiers-sociaux